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26 février 2019

Un roman à la langue âpre, un poème dédié aux "vies minuscules".

Ida : le prénom claque comme la langue de Bessette qui ne cherche pas à enjôler le lecteur mais bien à le bousculer; son style est cinglant et âpre, la phrase hachée.
Dans ce 4ème volume des œuvres de cette auteure oubliée, morte en 2000 et heureusement republiée par les éditions du Nouvel Attila, on découvre peu à peu une femme qui n’est d’abord qu’une ombre, un bloc noir, un cadavre enfin, car elle vient d’être renversée par une voiture.
Ida a 65 ans et a servi toute sa vie comme domestique. C’est par la voix de sa dernière patronne, qu’on va découvrir peu à peu sa personnalité, même s’il est bien entendu que cette femme n’a jamais essayé ni de la comprendre ni de la connaître. Aucune aménité dans son portrait d’Ida à peine disparue, tantôt perçue « inquiétante», tantôt « agaçante », qu’on n’a jamais réussi à cerner et qui a toujours maintenu une réserve muette face aux questions personnelles.
Ida, à la morgue, est « un corps desséché sans grâce et sans proportion. Comme tant d’autres ». C’est une vie qui se reflète dans le vide et qui rejoint tant d’autres existences semblables, toutes centrées sur le labeur répétitif et monotone, imposé et accepté, une « vie minuscule » aurait dit Pierre Michon.
Sous forme de conversation à une seule voix, Hélène Bessette parle « du possédant et du possédé », de la servitude, de la fatigue du corps, de l’extrême solitude, de la douleur de ne rien construire à soi -ni maison, ni avenir-, car point de mari et point d’enfants.
Ida est cependant présente tout au long de ce texte ; sa silhouette s’impose à nous; ses pensées nous arrivent par bribes, mises entre parenthèses, et viennent se positionner en miroir de tout ce que peut dire d’elle sa patronne qui s’étonne de découvrir une Ida inconnue tandis qu’elle vide sa chambre :
« Puisqu’on cherche à la connaître maintenant
Pour ne pas l’avoir connue
Plus tôt
Méconnue
Pour n’avoir frôlé que l’esquisse
Ida
l’esquisse-Ida. Dessin hâtif. »
On lit ce roman d’une traite ; à la fin, on ne peut que dire « bravo, Madame, et merci ».



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