Les librairies Agenda Coups de coeur
14 août 2013

"Mon père, David Hintel, s’est tué le mardi quatre septembre deux mille un. À l’heure du thé, il a avalé une bouteille d’insecticide. (..) Grâce aux facturette retrouvées dans ses poches, on sait que l’insecticide avait été acheté deux semaines plus tôt dans un supermarché du jardinage qu’il n’avait guère l’habitude de fréquenter (pas vraiment la main verte, mon père, capable de faire crever un cactus). Le même jour, il s’est rendu dans un magasin de jouets. Boîte de Playmobil, duo Prince et Princesse. A la caisse, on lui a sûrement demandé s’il désirait un emballage cadeau. Puis une stagiaire prénommée Sabrina ou Jennifer a emballé l’achat dans du papier de couleur vive, l’a ceinturé d’un ruban et demandé si c’était pour un anniversaire (ça ne l’était pas) et a collé un sticker Plaisir d’offrir. À la jardinerie, on n’a pas dû lui demander si c’était pour un empoisonnement. On ne demande jamais rien à ceux qui achètent de l’insecticide."

Ce sont sur ces premières lignes du journal de Joseph que s'ouvre ce roman et le ton est donné d'emblée ! À la mort de son père David, Joseph n'était encore qu’un enfant. Maintenant, il s’agit d’un adolescent, petit crack de l’informatique, un hacker « farouchement marxiste. Forcément. », qui s’infiltre dans les systèmes d’information car le monde est manipulé selon lui (forcément). Joseph vit avec sa mère Esther dont le frère Simon sort avec des jeunes filles tout juste sorties de l’adolescence. Le tableau de famille est complété par Jacob le grand-père que Joseph n’a jamais connu. « Jacob avait mis du temps à réunir assez de courage pour être lâche. Ou l’inverse. Il a fallu plusieurs tentatives, plusieurs fausses sorties » pour qu’il abandonne femme et enfant.

A travers les journaux de Joseph, de Simon et de Jacob, on découvre que dans la famille Hindel, les hommes ont toujours pris la fuite, trouvé une échappatoire à leur mal-être, à leur soif de liberté. Jacob dont la culpabilité le hante maintenant qu’il arrive à la retraite veut retrouver son fils David. Il ignore qu’il est mort il y a plusieurs années. Simon, abonné des aventures sans lendemain, songe à l'option prendre la tangente alors que son flirt émet des hypothèses de relation sérieuse. Entouré des copains et copines de sa petite amie qui pourraient être ses enfants, Simon se défend se penser qu’il agit mal (forcément). Et si Simon passe son temps à jouer dans un monde virtuel, il est bien le seul à vouloir ouvrir les yeux sur sa famille et à briser les silences qui entourent son grand-père et la mort de son père.

Dans une écriture débarrassée de toute convention, vive, alerte, inventive et où l’ironie fait mouche, Arnaud Dudek nous dévoile une face peu glorieuse des hommes : celle de la lâcheté. Des hommes qui ne se comportent pas en super-héros ou ont laissé de côté l'armure. Malgré leurs défauts, leurs irresponsabilités, on ne peut qu'éprouver qu'une forme de compassion pour eux. Derrière l’humour caustique se cache une tendresse immense et les affres de la solitude.

Entre sourires et pincements au cœur, après Rester sage Arnaud Dudek a su me toucher une fois de plus!



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