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18 avril 2010

Un bourg pas toujours blanc.

Je vais par ce livre découvrir ce touche à tout de la communication, radio, télévision et maintenant littérature. Ce livre n'est pas un roman, mais un travail de souvenance familiale, dans une Bretagne plutôt taiseuse, où les gens ne se confient pas beaucoup.
Dans un court préambule, l'auteur dit la chose suivante :
- L'auteur a hésité, et l'éditeur avec lui, avant d'écrire en toutes lettres les patronymes des personnes citées.
Un homme à la mort de son père entreprend une sorte de quête de la vérité sur sa famille qui va déboucher plus globalement sur la question suivante : que s'est-il passé dans le village breton de ses ancêtres pendant les années de guerre, puis tout de suite après?

Nous sommes au Bourg-Blanc au nord de Brest, village occupé par une forte garnison allemande. Des militaires plutôt pacifistes durant les deux première années, la population, un peu comme partout, se divise en trois catégories aux contours incertains : les collaborateurs, les résistants et ceux qui subissent avec plus ou moins de bonne volonté.
Quelques familles sont plutôt rangées dans la première catégorie, dont la grand-mère de l'auteur, une de ses tantes, les Roch, surtout les filles Thérèse, Marie et Yvonne, et les Crozon. Chose curieuse, ce sont tous des commerçants, qui ont de ce fait des rapports très étroits avec la population, mais aussi avec les militaires. Il est aussi nécessaire de savoir que chaque famille avait des chambres réquisitionnées par l'occupant et que la circulation à l'intérieur de la Bretagne était très réglementée, pour ne pas dire très difficile.
La vie s'est donc organisée dans une sorte de vase clos et des affinités, y compris amoureuses, se sont de ce fait créées. Un seul enfant naîtra d'une relation entre une villageoise, Yvonne Roch, qui décèdera peu de temps après, et un soldat ; il se nommera Yvan Roch. J'en parlerai plus tard, car un chapitre de ce livre lui est consacré.
La fin de la guerre et ses suites pour le village sont, je pense, non pas exemplaires, mais courantes.
Pas exemplaire, car contrairement à d'autres endroits, les « résistants » ne commirent aucune violence, remettant les « présumés » collaborateurs aux autorités. Courantes aussi, comme partout, les règlements de compte se multiplient. L'auteur, pour écrire ce livre, a eu accès aux documents officiels, les dénonciations de tous genres affluèrent! Intérêts et jalousies étant les motifs principaux de ces calomnies.
Il est à noter qu'aucune condamnation ne fut prononcée, ni contre les familles Crozon, ni contre les filles Roch, qui continuèrent à vivre au Bourg-Blanc.
Les archives et les correspondances, saisies aux domiciles des familles concernées, donnent l'impression de gens qui s'appréciaient mutuellement, les soldats allemands regrettant la Bretagne. Il faut reconnaître que pour certains le fin fond de la Russie n'était pas forcément une récompense : la preuve, ce courrier :
- Un jour entier en Russie pèse autant que la guerre entière que nous avons fait en Bretagne.
Les personnages sont les habitants du Bourg-Blanc, il faut savoir qu'à l'époque le breton était la langue la plus parlée, mais que l'éradication commençait dans les écoles, ce qui donnait une situation pour le moins étrange d'une langue maternelle à la maison et une langue imposée dans l'éducation. L'église avait, elle aussi, son mot à dire dans l'enseignement, avec une sorte de loi non écrite, les filles dans le privé, les garçons dans le public.
Dans un entretien pour la librairie « Dialogues », l'auteur parle de la « mémoire » des témoins de l'époque, qui s'estompe, ce qui est bien naturel, mais aussi qui devient sélective à charge ou à décharge aussi d'ailleurs. Il dit aussi que son propos n'est pas de juger les gens, car on peut se poser la question : comment aurions-nous réagi, je pense par exemple, à Marie, Yvonne et Thérèse, jeunes femmes dont les parents tenaient un café, et qui parlaient allemand? Et dont la compagnie devait être très recherchée!
Dans mon esprit, ce livre, que j'avais commencé dans le cadre de mes chroniques nommées « Mémoires de Bretagne », est devenu au fil des lignes une découverte personnelle. J'ai connu il y a longtemps quelques protagonistes de cet essai, et j'ai beaucoup entendu parler, mais sans le connaître, de cet enfant né pendant la guerre.
La famille Roch, dont il est question ici, avait un fils Jean qui épousa ma mère. Thérèse et Marie (ainsi que leur autre sœur plus jeune) sont donc des tantes par alliance. Yvan était le filleul de Jean Roch. A la mort de ce dernier, mes demis-frères m'ont expédié une photo de lui, se trompant de prénom! Ce portrait avait au dos la mention « Yvan Lannilis », où il était en pension dans une école religieuse ! A la lecture de cet ouvrage, la photo de cet enfant me revient très clairement, une cousine m'a dit qu'il était encore en vie, grand-père et arrière-grand-père.
Une lecture qui me laisse des sentiments mitigés, non pas pour ses qualités qui sont évidentes, mais pour l'émotion qu'elle m'a procuré.
Je remercie son auteur, auprès duquel je m'excuse, en effet je parle plus des gens que j'ai personnellement connus que des membres de sa famille.


17 avril 2010

Et certains y perde la vie!

Un auteur que je découvre avec ce livre. Ce roman est en compétition pour le prix du Goéland masqué du festival du roman policier de Penmarc'h dans le Finistère. Gérard Chevalier est pour l'instant surtout connu comme comédien et scénariste. Ce livre est son premier roman.
L'île de Batz, à la fin de la guerre, là-bas comme ailleurs, des règlements de compte ont eu lieu. Soazig, une îlienne, était amoureuse d'Hans un allemand. Elle fut rasée et lui, fait prisonnier. Un peu plus tard, Hans revient sur l'île avec un autre de ses compatriotes, Villem, comme travailleurs prisonniers. Hans, pour aider une veuve à l'entretien de sa terre, Villem pour seconder Riou, le cantonnier . Ils seront tués tous les deux. Un marin amoureux de Soazig, qui avait menacé de mort l'officier allemand, apparaît comme le coupable idéal, mais un témoignage digne de confiance vient l'innocenter! Pourquoi ces deux hommes sont-ils morts, et par qui ont-ils été tués?
Et puis deux morts de plus, après les millions de la guerre! Pour les enquêteurs, un autre problème se pose, certaines révélations les mènent sur la piste d'un trafic d'armes, ils arrêtent les coupables, Loïc Le Gall et Pierre Madec, mais ceux-ci ne passeront même pas en jugement. Soazig, libérée de prison, s'est suicidée en apprenant la mort d'Hans.
Le temps passe, certaines familles s'enrichissent en ces temps troublés, des couples se séparent, d'autres se font. Les haines sont toujours aussi vivaces dans cet espace où pratiquement tout se sait.
Nous sommes en 1973, Le Menez, ancien garde-champêtre, qui n'avait jamais caché ses sentiments pro-allemands, est tué, puis vient le tour de Loïc Le Gall, famille qui s'est fortement enrichie depuis la fin de la guerre. Ils ont été abattus avec la même arme que les deux allemands, plusieurs années auparavant! Et cette arme qui, normalement, est au tribunal de Quimper, a en fait disparu.
Puis Pierre Madec est aussi abattu.......Et puis...... la liste s'allonge....

Commence alors une seconde enquête, qui mettra encore une fois en lumière la duplicité de certaines familles, leur sorte de repli sur eux-mêmes, leur défense opiniâtre de l'argent et de la terre.
Beaucoup de personnages dans ce roman, les femmes se révèlent plus intéressantes que les hommes souvent dépeints comme des coureurs de jupons frénétiques ou des arrivistes pour qui les conquêtes féminines et monétaires sont les seuls buts.
Soazig est une femme passionnée, altière, ardente et ambiguë, pleine de contradictions, elle choisira le suicide, laissant sa fille Marie-Hélène à la garde de Dominique qu'elle avait connue en prison.
Gwenaëlle, amie d'enfance de Soazig, est restée à Batz, s'est mariée, a eu des enfants, dont une fille qu'elle a prénommé Soazig, mais son couple s'est détérioré au fil du temps. La veuve Le Floc'h est une figure de l'île, respectée, elle a accueilli Hans et lui a toujours témoigné beaucoup d'affection. Affection qu'elle reportera sur Giuseppe, prisonnier italien, qui le remplacera et qui restera sur l'île.
Pierre-Yves Legarrec, après une période noire due à la liaison entre Soazig et Hans, sera initié aux joies du corps par une longue liaison avec une dame dont nous tairons le nom, puis il épousera Gwenaëlle après le divorce de celle-ci.
Certains personnages pittoresques, comme Braouzec surnommé « L'intellectuel », et son copain Chang, le chinois, ou d'autres comme Papy Riou qui, des années après, regrette encore la compagnie de Villem, nous réconcilient avec quelques-uns des hommes de ce roman.
Les habitants de l'île, les clans et les familles, la nature souvent hostile servent d'arrière plan à ce roman, âpre et dur mais qui se lit bien. Une histoire diabolique et une intrigue bien menée, un coup de maître pour un premier roman.




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