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28 septembre 2021

Magnifique !

Haletant comme un grand roman policier !
Tragique comme une pièce de théâtre antique !
D'actualité comme un essai sociétal !

MAGNIFIQUE COMME UN GRAND PREMIER ROMAN !

Eric


24 septembre 2021

REPARER UN OUBLI

Catel et Bocquet. Bocquet et Catel. Ce n’est pas faire injure à Alice Guy, la sujette de leur dernière BD d’écrire que les deux auteurs sont plus connus que celle qui fait le titre de l’album. En effet après avoir décrit la vie de Olympe de Gouges, Kiki de Montparnasse et Joséphine Baker, ils ont choisi de raconter l’existence d’une autre femme moins renommée mais à la vie aussi riche: Alice Guy. Ils disent des femmes, sujettes de leurs livres, qu’elles sont les « clandestines de l’histoire » parce que ce sont « des femmes qui ont laissé des traces dans l’humanité, mais qui n‘ont pas été retenues - ou partiellement retenues - par la grande histoire ». Kiki raconte l’art moderne, Olympe la révolution française, Joséphine la lutte contre la ségrégation et Alice accompagne les débuts du cinéma.

On suit Alice de la naissance à sa mort dans une existence où elle manifeste un bonheur de vivre incomparable, loin de toutes les conventions qui régissent notamment les relations hommes femmes. Elle est une femme libre dans un univers naissant, celui du cinéma composé exclusivement d’hommes. Nous assistons avec elle à la naissance du phonoscope, du bioscope, du kinetoscope. Du cinématographe. Elle rencontre Gaumont, Pathé, les frères Lumière dans ce qui est d’abord un phénomène scientifique, puis technique, artistique et très rapidement industriel et économique. Tous ces domaines Alice Guy, qui a débuté comme « employée aux écritures », apprend à les utiliser et devient experte aux avis recherchés, elle qui est si heureuse sur un plateau de tournage:

« Je pense que les Lumière avec l’arroseur arrosé sont les premiers metteurs en scène. Je ne revendique que le titre de première femme metteur en scène »

Ce n'est qu'en 1920 qu’une nouvelle réalisatrice apparaitra. Entre temps, Alice se rendra aux Etats Unis, se fera un nom, vendra ses studios avant de revenir à Nice pour devenir, sans réussite, une antiquaire. Connue et reconnue de son vivant, en Amérique notamment, elle passera peu à peu dans l’ombre d’une histoire écrite par les hommes. Elle aura connu de nombreuses blessures intimes, des infidélités, le divorce, des faillites mais cherchera pourtant avant sa mort à ce que son oeuvre subsiste, notamment à travers la rédaction de ses mémoires. Autrice de plus de 700 films, il faudra attendre des décennies avant que des chercheurs et historiens en retrouvent une petite vingtaine et inscrivent son nom dans la chronologie de l’histoire du cinéma.

Ce volumineux album est de la qualité des précédents. Alice est un personnage attachant, vibrant, énergique, mouvant dans un univers d’hommes guindés dans leurs redingotes. Le dessin de Catel exprime à merveille la joie de vivre et l’énergie de la productrice, auteure, metteuse en scène. On retrouve la capacité à montrer une époque avec un minimum de moyens. Il est fascinant de constater la restitution par le dessin de l’atmosphère d’une rue, d’un plateau de cinéma, cachant derrière une apparente facilité, un travail de recherches et de documentation très important Le trait noir épais et enveloppant s’apparente aux xylographies de Valotton ou de Toulouse Lautrec. Riche en détails, le lecteur s’amusera à dénicher les noms de Catel Muller et Bocquet, disséminés au milieu d’une scène de rue, comme pour faire rentrer les auteurs dans la vie sociale qu’ils dépeignent.

L’ouvrage se termine par de très riches notices biographiques qui permettent de faire de cette Bd, une référence didactique sur les origines du cinéma.


24 septembre 2021

Réparer un oubli

Catel et Bocquet. Bocquet et Catel. Ce n’est pas faire injure à Alice Guy, la sujette de leur dernière BD d’écrire que les deux auteurs sont plus connus que celle qui fait le titre de l’album. En effet après avoir décrit la vie de Olympe de Gouges, Kiki de Montparnasse et Joséphine Baker, ils ont choisi de raconter l’existence d’une autre femme moins renommée mais à la vie aussi riche: Alice Guy. Ils disent des femmes, sujettes de leurs livres, qu’elles sont les « clandestines de l’histoire » parce que ce sont « des femmes qui ont laissé des traces dans l’humanité, mais qui n‘ont pas été retenues - ou partiellement retenues - par la grande histoire ». Kiki raconte l’art moderne, Olympe la révolution française, Joséphine la lutte contre la ségrégation et Alice accompagne les débuts du cinéma.

On suit Alice de la naissance à sa mort dans une existence où elle manifeste un bonheur de vivre incomparable, loin de toutes les conventions qui régissent notamment les relations hommes femmes. Elle est une femme libre dans un univers naissant, celui du cinéma composé exclusivement d’hommes. Nous assistons avec elle à la naissance du phonoscope, du bioscope, du kinetoscope. Du cinématographe. Elle rencontre Gaumont, Pathé, les frères Lumière dans ce qui est d’abord un phénomène scientifique, puis technique, artistique et très rapidement industriel et économique. Tous ces domaines Alice Guy, qui a débuté comme « employée aux écritures », apprend à les utiliser et devient experte aux avis recherchés, elle qui est si heureuse sur un plateau de tournage:

« Je pense que les Lumière avec l’arroseur arrosé sont les premiers metteurs en scène. Je ne revendique que le titre de première femme metteur en scène »

Ce n'est qu'en 1920 qu’une nouvelle réalisatrice apparaitra. Entre temps, Alice se rendra aux Etats Unis, se fera un nom, vendra ses studios avant de revenir à Nice pour devenir, sans réussite, une antiquaire. Connue et reconnue de son vivant, en Amérique notamment, elle passera peu à peu dans l’ombre d’une histoire écrite par les hommes. Elle aura connu de nombreuses blessures intimes, des infidélités, le divorce, des faillites mais cherchera pourtant avant sa mort à ce que son oeuvre subsiste, notamment à travers la rédaction de ses mémoires. Autrice de plus de 700 films, il faudra attendre des décennies avant que des chercheurs et historiens en retrouvent une petite vingtaine et inscrivent son nom dans la chronologie de l’histoire du cinéma.

Ce volumineux album est de la qualité des précédents. Alice est un personnage attachant, vibrant, énergique, mouvant dans un univers d’hommes guindés dans leurs redingotes. Le dessin de Catel exprime à merveille la joie de vivre et l’énergie de la productrice, auteure, metteuse en scène. On retrouve la capacité à montrer une époque avec un minimum de moyens. Il est fascinant de constater la restitution par le dessin de l’atmosphère d’une rue, d’un plateau de cinéma, cachant derrière une apparente facilité, un travail de recherches et de documentation très important Le trait noir épais et enveloppant s’apparente aux xylographies de Valotton ou de Toulouse Lautrec. Riche en détails, le lecteur s’amusera à dénicher les noms de Catel Muller et Bocquet, disséminés au milieu d’une scène de rue, comme pour faire rentrer les auteurs dans la vie sociale qu’ils dépeignent.

L’ouvrage se termine par de très riches notices biographiques qui permettent de faire de cette Bd, une référence didactique sur les origines du cinéma.


20 septembre 2021

L'affaire Dreyfus dans les réseaux sociaux

Un album est aussi un objet que l’on prend, reprend, regarde sous toutes ses facettes. En prenant dans les mains « #J’accuse …!», impossible d’abord de ne pas remarquer la forme: un coffret superbe, avec à l’intérieur un clavier d’ordinateur dessiné, un marque pages explicatif, et un album souple, format à l’italienne inséré dans la boîte. Très vite on comprend que cette BD se veut connectée. A chaque fois que figure le signe + sur une page, l’onglet donne droit à des documents numériques complémentaires (biographie, fac-similé) accessibles après avoir téléchargé une application spécifique. Rien de superficiel dans ces ajouts mais une manière remarquable d’informations complémentaires utiles dans une BD où les archives constituent la base de l’ouvrage.
Cette magnifique mise en forme constitue une véritable volonté éditoriale. Jean Dytar a « été sidéré par les résonances avec notre époque » en travaillant sur ce dossier. Avec lui, le lecteur en effet ne peut cesser d’imaginer cette affaire couverte aujourd’hui par les réseaux sociaux et les médias actuels. On constate alors que la haine si souvent évoquée, l’absence de recul par rapport aux informations immédiates étaient déjà la règle il y’ a plus d’un siècle. La presse papier, dont de nombreux articles seraient aujourd’hui interdits, n’hésitait pas à vomir, une haine antisémite d’une violence totale. Ainsi surnagent dans ce torrent de boue des personnages étonnants, courageux, magnifiques qui réhabilitent l’âme humaine: Mathieu Dreyfus, frère du colonel, Auguste Scheurer-Kestner, homme politique exceptionnel, Bernard Lazare par leur honnêteté intellectuelle renvoient plus bas que terre les Maurice Barrès, Daudet, Henri Rochefort et consorts, dont certains écrits annoncent, mot pour mot, l’arrivée du fascisme et du nazisme

L’éditeur s’interroge pour savoir si « l’impact de l’affaire Dreyfus sur ses contemporains aurait été différents s’ils avaient été informés par les médias d’aujourd'hui ? ». On peut légitiment douter de la réponse. A l’heure des réseaux sociaux et de leur immédiateté, lire cette formidable Bd doit nous inciter, encore et toujours à penser, à réfléchir, avant d’écrire. Il n’y aura peut être pas toujours des Zola pour rétablir la vérité.


17 septembre 2021

La BD de la rentrée !

Imaginez. Imaginez vous en vieux notaire retraité (il est utile de préciser dès maintenant que nous n’avons rien contre les notaires, c’est simplement un postulat de départ). Vous vous appelleriez Amédée Petit-Jean, cela ne s’invente pas, ou plutôt si cela s’invente. Votre vie est morne. Vous vivez avec, ou plutôt à côté de Françoise, votre épouse. Elle veille sur vous comme la reine d’Angleterre veille sur son peuple, vous faisant avaler à heure régulière vos antidépresseurs. Dernière précision d’importance: vous avez souvent mal au dos. Heureusement, à portée de fenêtre, vous avez un voisin. Il s’appelle Jo. De son vrai nom: Joseph Seigneur. Normal. Il n’est pas tout jeune non plus mais il porte beau. On dirait Davy Crockett, sans la toque en peau de castor. Grand et beau. Svelte et sportif. Gouailleur, rieur, joueur, hâbleur, conteur. Conteur surtout et lorsque vous avez la permission de 22H30, il vous raconte ses aventures sur toute la surface du globe, de Dien Bien Phu à Caracas en passant par les chutes Victoria. C’est un aventurier qui a vécu des … aventures. Il vous a même dit qu’il était né à Tananarive, capitale de Madagascar. Il égaye vos journées à la manière des aventures de Pinpin qui remplissent sa bibliothèque.
Humour, humanisme, tendresse, le récit sans temps mort, ni faiblesse, nous emporte avec une justesse des émotions particulièrement réussie.

Mais si Tananarive s’appelait plutôt Charleville Mézières, charmante bourgade certes, où Rimbaud s’ennuyât ferme, mais où vous conviendrez avec moi que l’exotisme est plus rare, le soleil plus chiche, les femmes et les hommes moins déshabillés. Cela changerait beaucoup de choses et il faudrait prendre la poussiéreuse Triumph Spitfire MK2 pour vous rendre à Maubeuge, Lille, Calais, Bruges. Et découvrir d’autres secrets, d’autres aventures. De notaire, vous deviendriez ainsi détective privé, sous le regard, toujours protecteur, mais moqueur de votre ami Jo, pour un road movie formidable. Vous apprendrez alors beaucoup de choses sur Jo mais aussi sur vous même. Vous rencontrerez des call girls, des vieilles, des jeunes, des patrons de discothèque. Le monde quoi! Peu à peu, les girafes, zèbres et autres buffles disparaissent au fil des pages, comme si la réalité remplaçait progressivement les rêves.

Depuis les Vieux Fourneaux, les retraités ont la côte dans le domaine de la Bd. Nostalgie, passé, décalage temporel, les ingrédients sont là pour créer de belles histoires. Encore faut il le talent pour mettre le tout en récit et en images. Et Sylvain Vallée, dessinateur notamment de Il était une fois en France et de Katanga, en a plein sa besace.

Le scénario de Mark Eacersall témoigne de la rudesse des temps qui passent, atténuée par la capacité des hommes à rêver et à substituer à une triste réalité de magnifiques histoires. Goût de l’aventure, force de l’amitié, regard sur la vieillesse, autant de thèmes qui traversent cette BD où tout est juste, y compris dans le découpage des scènes et une mise en page parfois onirique, parfais ultra réaliste, toujours horizontale, qui fait que la BD se lit comme un roman.




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