Les librairies Agenda Coups de coeur
30 septembre 2023

JULIE

« Les histoires d’amour finissent mal en général », chantait Catherine Ringer. Ce n’est pas Chloé Delaume qui lui donnera tort. Clotilde, son double fictif, approche de la cinquantaine. Sa relation épistolaire littéraire passionnée avec Guillaume, garçon homosexuel en couple, plus pervers que le pire des pervers narcissiques, la bousille peu à peu.
La féministe romantique Clotilde a besoin de souffler… Elle décide alors d’entreprendre un voyage, dont la destination est un choix littéraire franchement assumé : le château de Goethe, là où tant d’amoureux éperdus sont venus mettre fin à leurs jours après avoir lu Les Souffrances du jeune Werther. (Attention, divulgachage: ceci est une légende montée de toutes pièces, personne ne s’est suicidé à cet endroit vous apprendra Chloé Delaume). Dans le train qui la mène tranquillement vers cet idéal, Clotilde plonge -littéralement- dans sa mémoire et son cerveau pour en retirer des bribes sporadiques de sa vie (c’est très drôle). Elle déroule ce fil cérébral, depuis le meurtre de sa mère, devant ses yeux (son père a choisi de retourner l’arme contre lui plutôt que contre la petite Clotilde ; l’a-t-il épargnée pour autant ?), la cohabitation forcée avec une tante inculte, la vie d’une jeune adolescente, sa bipolarité, les illusions tenaces et Guillaume, cet homme aimé jusqu’à un rêve de fusion : « elleetlui » écrit-elle pour désigner leur couple brinquebalant, formé sur les bancs de la Villa Médicis où les deux artistes se rencontrent lors d’une résidence.
Véritable mercure littéraire et féministe, au verbe riche et drôle, « Pauvre folle est l’un des meilleurs roman de Chloé Delaume. Roman ? Peut-être même un manifeste...


30 septembre 2023

ELOÏSE

Londres, 1894. Henry Ellis et John Addington n’ont rien en commun. Le premier est trentenaire, il vient d’épouser Edith, qu’il a rencontrée dans un groupe de libres-penseurs, « La Vie nouvelle ». Ensemble, ils entendent former un couple moderne, loin des cadres imposés. La sexualité est une source permanente de questionnement pour Henry et Edith est attirée par les femmes, notamment Angelica, qu’ils rencontrent durant leur lune de miel dans le Norfolk. John Addington, lui, approche de la cinquantaine. Le couple qu’il forme avec Catherine - et dont sont nées trois filles - n’est qu’une illusion, une façade pour masquer aux yeux de la bonne société son attirance pour les hommes. Aussi quel n’est pas son enthousiasme quand Ellis lui envoie par lettre une proposition pour écrire à quatre mains un livre - totalement visionnaire - sur l’homosexualité (appelée « inversion » à l'époque), crime alors passible du bagne en Grande-Bretagne. Il saisit cette chance d'essayer de faire évoluer les mentalités et la loi au sein de la société victorienne, et vivre enfin la vie sexuelle et amoureuse dont il a été privé…
« La Vie nouvelle », paru aux éditions Christian Bourgois, est un premier roman aussi littéraire que sensuel, aussi finement troublant qu'éclairant sur l'histoire des origines du mouvement des droits homosexuels. L’atmosphère fin de siècle d’une Angleterre conservatrice, éduquée et aisée est fascinante mais discordante avec le traitement réservé aux homosexuels notamment Oscar Wilde dont le procès et les années de prison apparaissent en filigrane.
Tom Crewe signe ici un premier très grand roman inspiré par la vie et les mémoires de John Addington Symonds qui, avec ses écrits, a beaucoup contribué à l'étude de la sexualité et notamment sa place au sein de la vie domestique de la fin du XIXe. Un des plus beaux livres de cette rentrée qui raconte une évolution marquante de nos sociétés européennes.


30 septembre 2023

JULIE

En août, dans le sud de la France, Paul s’apprête à fêter ses cinquante ans. Il dîne chez lui, entouré de sa femme et d’un couple d’amis. Des vieux de la vieille, ils se connaissent depuis leur première année en médecine. Quand chacun a dû choisir une spécialité, Paul a opté pour la médecine légale. Un choix peu commun, mais pas surprenant : depuis le suicide de sa mère, Paul entretient une relation particulière avec la mort… tant et si bien que ses 50 ans, il ne pensait jamais les atteindre. La soirée n’est pas un succès, Paul n’est pas à la fête. Le téléphone sonne, il est appelé en urgence sur un lieu d'accident. Une jeune femme. Sur le chemin qui le conduit sur les hauteurs de Roquebrune, Paul plonge dans ses souvenirs, déroule le fil de sa vie depuis sa première autopsie. Surtout, il ne peut s'empêcher de penser à Alma, sa psychanalyste, qui ne lui a pas donné de nouvelles depuis plusieurs semaines. Et si cet accident c’était elle ?
D’une plume polie mais qui souvent incise, Hadia Decharrière nous guide entre les pensées de Paul au rythme des courbes de la route qui défile tout en laissant entendre la voix d’Alma. Un étrange dialogue d’outre-tombe où la mort unit aussi sûrement que la vie. Un roman tracé sur le fil des parts d’ombre de l’âme, qui interroge les pulsions de vie et de mort, et dissèque de manière assez solaire nos angoisses humaines.


30 septembre 2023

JULIE

Elisa Shua Dusapin explore les méandres de l'amour entre deux sœurs, nombreux avec les années et la distance. Complices dans leur jeunesse, Agathe et Vera se retrouvent plus d'une décennie après leur dernier échange pour vider la maison de leur père. Agathe, l'aînée et narratrice, va redécouvrir pendant neufs jours cette petite sœur aphasique qu'elle a quitté 15 ans plus tôt lorsqu'elle est partie aux Etats-Unis.
L'atmosphère de pudeur et de silences est accentuée par le décor automnal de la forêt périgourdine où se trouve la demeure des deux jeunes femmes. "Le vieil incendie" relate dans un format très court mais très travaillé l'entièreté des liens complexes entre deux sœurs.
Pour ce 4e roman que l'on imagine assez personnel, l'autrice dose savamment le flot d'émotions et de souvenirs allant de la tendresse au ressentiment, de la symbiose à l'incompréhension.


30 septembre 2023

JULIE

Jan Grue a la même vie que la vôtre, à une exception près, il est atteint d’une amyotrophie spinale de type II - III, une maladie neuromusculaire rare qui ne lui laisse qu’une espérance de vie assez courte. Malgré ces statistiques défaitistes, il devient écrivain. Lorsqu’il croise l’une de ses anciennes professeures d'université, celle-ci s’étonne de « sa bonne allure ». Jan sait qu'avec ces mots, elle ne le complimente ni sur son style, ni sur son physique. Dans « Ma vie ressemble à la vôtre », paru aux éditions Le Bruit du Monde il explique dans une passionnante autobiographie « ce qui est sous-entendu, la surprise de me voir en vie, ne remonte que plus tard à la surface ». Partant de cette réflexion, il remonte le fil de ses souvenirs, depuis sa petite enfance, en Norvège, jusqu’à ses études : aux Pays-Bas, en Russie et en Californie, sa vie de couple avec Ida, sa femme, son enfant.
Dans un récit qui alterne références littéraires et culturelles, mais également différents extraits des rapports médicaux conservés par ses parents, l’auteur norvégien propose non seulement d’explorer le rapport au monde et au corps, mais bien plus, il nous propose de faire un pas de côté pour observer le handicap sous un autre angle : « même les faibles peuvent mépriser la faiblesse ». Il pose la question de la normalité et ouvre le débat : « c’est depuis que l’école est devenue une institution que la normalité normative est devenue visible ». Le récit est riche et la plume revigorante !




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