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21 août 2019

Adam fidèle à lui-même

Bon sang c’est quoi ce bazar? C’est quoi cette vie? Il y a des moments comme cela au cours d’une existence où tout semble partir en quenouille, où tout se dérègle. C’est ce moment particulier qui frappe de plein fouet Paul Lerner. Il prend en quelques jours plusieurs déflagrations simultanées: une jeune femme le suit pour lui avouer qu’elle est sa demi soeur, son meilleur ami décède et il découvre une vie parallèle à son épouse. Cela fait beaucoup pour un seul homme, âgé de 45 ans, ancien écrivain à succès en train de tomber dans l’oubli, revenu en Bretagne, après un séjour parisien de 5 ans et espérant se refaire à cette occasion une nouvelle vie.
On le connait en plus ce Paul Lerner, c’est cet homme qui retourne voir les « Falaises » à Etretat où sa mère s’est jetée auparavant, c’est aussi Paul, écrivain de 40 ans des « Lisières » qui revient dans une banlieue pavillonnaire retrouver ses parents vieillissants. C’est un des doubles d’Olivier Adam, celui qui mélange pour nous perdre, des éléments réels de sa vie et ceux d’un personnage imaginé. Celui qui en fait en partageant ses sentiments de tous les jours nous renvoie notre image dans un miroir d’autant plus réel et fidèle qu’il reflète notre monde, celui des attentats, de la montée du racisme, de notre solitude dans un univers connecté, de nos difficultés à perdre nos enfants devenus adolescents. Des poncifs? Peut être mais le talent d’Olivier Adam est de faire de ce quotidien une oeuvre originale qui nous donne à mieux comprendre nos maux, nos difficultés à vivre, simplement parce que lui, ou Paul, prennent en charge toutes nos névroses, nos peurs. Ce n’est pas un caïd, un fier à bras, ce Paul. Plutôt un être qui a du mal à communiquer avec ses proches, ses collègues,et même ses amis. C’est ainsi. Tous les cinq ans Olivier Adam dresse le bilan de questionnements et des évènements de sa propre vie.

Et comme à chaque fois, cette introspection s’accompagne d’un oeil aiguisé sur notre société et son évolution. Cela doit être probablement ce que l’on appelle « sentir l’air du temps ». Les allers-retours Bretagne Paris permettent d’explorer deux univers: celui des bourgeois bohême d’abord, ces fameux Bobo, avec lesquels Paul-Olivier a travaillé. L’univers de l’édition, du cinéma, des expositions, de la culture dévorée presque au quotidien. Celui de la province ensuite, en l’occurence St Lunaire, Dinard, St Malo, des balades sur les plages, du retour à la nature. Evidemment on préfère Olivier Adam quand, d’un style fluide, il décrit les rochers, la côte, la pluie et les nuages qui reviennent sans cesse comme un symbole du quotidien. Mais il est trop lucide, et trop honnête pour en faire un paradis. Il manie à la perfection une auto dérision salutaire y compris dans sa vie familiale que secoue son épouse et une fille en train de quitter l’adolescence. Il faut négocier car l’existence est
« un sacré sac de noeuds, un putain de sport de rue et Paul acquiesça.
-Sûr c’est pas du badminton »,
comme le chante Alain Chamfort.
On se laisse entrainer avec plaisir dans ce labyrinthe et le récit réserve son lot de surprises avec une fin remarquable qui laisse le soin au lecteur de savoir si Paul va gagner cette fameuse partie de badminton ou comme le dit Olivier Adam, s’il va falloir négocier avec « la loi de l’emmerdement maximum ».

Eric.



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