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18 juin 2011

Avant même de débuter, la conférence de Yalta part sur de mauvaises bases : Staline refuse de sortir de Russie et oblige Churchill et surtout Roosevelt, très malade et en fauteuil (il mourra en avril 1945) à parcourir de nombreux kilomètres. Sur place, les palais des délégations anglaise et états-unienne sont sur écoute, et Staline mène le bal face à un Roosevelt affaibli qui ne rêve qu'à une seule chose : créer l'ONU avec l'appui du dirigeant russe. Pour cela, il accèdera à beaucoup de ses requêtes, Churchill se battant seul pour contrer Staline. Celui-ci est d'ailleurs très habile et sait jouer de la faiblesse du président. De plus, ses troupes étant aux portes de Berlin, il est là, en position de force.


Dans le même temps, un plombier polonais, Marian Nowak, par l'intermédiaire du valet de Churchill prend contact avec celui-ci. Ce plombier est fictif, et par lui, l'auteur nous dit toutes les horreurs qu'ont vécu les Polonais. Écrasés, tués, mis véritablement en esclavage par les nazis, les femmes et jeunes filles seront violées, les hommes torturés. Ils seront libérés par l'armée russe qui leur prodiguera les mêmes atrocités, voire pire ! Pendant ce temps, à Yalta, Staline justifie l'avancée de ses troupes et les crimes qu'elles perpétuent. Les pages 200 à 202 racontent comment un homme voit sa femme et sa fille de 16 ans se faire violer, comment tentant de se rebeller, on le sort et on lui tire dessus, et lui, hurle "cassé en deux, tenant à pleines mains la plaie béante où, quelques instants auparavant, se trouvait encore ce qui faisait de lui un homme." ; et pendant qu'il crie, à l'intérieur de sa maison, les soldats russes violent également sa petite fille de 10 ans !

Chaque chapitre de ce roman concerne une journée de la conférence qui en a eu huit. En parallèle, on assiste aux débats, aux joutes verbales avec de belles réparties :

"Staline, pourtant n'en avait pas fini avec Churchill :

- Des rumeurs courent en Suisse, monsieur Churchill, sur un éventuel accord que vous souhaiteriez passer avec l'Allemagne. Une paix séparée, quand ils seront débarrassés de Hitler.

- Je dois vous dire, maréchal Staline, que ce n'est pas dans mes habitudes de passer des accords avec Hitler. Mais, si je devais l'envisager, soyez assuré que je viendrai (sic) vous consulter en priorité, afin de bénéficier de votre expérience considérable en la matière." (p.282)

Ce bouquin passionnant se finit (juste avant l'épilogue et la postface) par ces phrases terribles qui résument la situation :

"Nowak. Okulicki. [noms de deux Résistants polonais] Ainsi que des dizaines de milliers d'autres. De façon systématique, les Russes achevaient la tâche commencée par les nazis et balayaient toute trace de résistance polonaise." (p.320)

J'aimerais tant vous faire passer tout ce que j'ai ressenti en lisant ce roman : il est pour moi aussi fort que celui de L. Padura dont j'ai parlé plus haut et c'est un compliment, puisqu'il fait partie de ce que j'ai lu de mieux dernièrement ! Et pour finir, je ne peux que vous inciter, d'abord à lire ce livre (vous ne le regretterez pas) et ensuite à ne pas sauter la préface -ni la postface et les remerciements- dans laquelle M. Dobbs explique son travail de romancier par rapport à celui d'un historien. Il n'amoindrit pas leurs travaux mais explique qu'un roman "documentarisé" peut expliquer plus de choses et est surtout à la portée du plus grand nombre. L'historien s'attache aux faits, et le romancier plutôt aux personnes et à leurs vies qui parfois expliquent leurs actes. Ça me va ! Personnellement, je préfère un bon roman, bien construit, bien documenté à un ouvrage plus austère bien que sûrement plus précis et plus fin.



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