Les librairies Agenda Coups de coeur
29 août 2014

Un écrivain vu de l'intérieur...

« Notre écrivain national », voilà le surnom que Monsieur le Maire de Donzières donne à Serge, écrivain en résidence et narrateur de ce roman. Ledit maire aurait préféré un sportif mais enfin, il faut bien soigner aussi son image de marque culturelle, d’autant plus que le couple de jeunes libraires de la commune se démène vraiment pour la cause. Voilà donc l’écrivain parisien passant quatre semaines entre Nièvre et Morvan au frais de la princesse : on ne lui refuse rien, surtout pas l’alcool et la bonne bouffe, c’est qu’on sait recevoir, à Donzières.

Sauf que notre narrateur va justement mettre le nez là où il ne faut pas. Un riche octogénaire vient de disparaitre sans laisser de traces. On soupçonne un couple de locataires, Dora et Aurélik, des étrangers venus de l’Est, l’homme a d’ailleurs été arrêté. C’est parce qu’il est séduit par une photo de Dora que le narrateur décide de poser des questions, de fureter et enfin d’aller voir par lui-même à quoi ressemble ce coin de forêt où loge le jeune couple. Sauf qu’il tombe sur deux-trois costauds qui le tabassent et qu’il arrive en loques et ensanglanté à l’atelier d’écriture qu’il doit animer…

Dès lors, le malheureux est en proie à une paranoïa aiguë et la cible de multiples reproches. Les gendarmes l’interrogent. Il découvre que la commune et les terres de l’octogénaire disparu sont l’enjeu d’une querelle plus économique qu’écologique même si chaque clan s’affronte au nom des énergies propres et de la forêt. Rien n’y fait cependant : il est de plus en plus fasciné par Dora.

Grâce à L’écrivain national, le lecteur découvre l’autre face du métier d’écrivain. Qui n’a jamais assisté à une rencontre en librairie ? Bien polis, souriants, ils ont l’air plus ou moins à l’aise tous ces auteurs mais que sait-on de ce qu’ils pensent vraiment ? Et les questions des lecteurs ? Comment rester aimable face à une lectrice qui inflige les pires critiques à un livre qu’elle vient de lire, voire de décortiquer, écrit il y a dix ans ? Et que dire puisque ladite lectrice est certaine des intentions de l’auteur ?

Au-delà de ces situations qu’on imagine inconfortables et nécessitant un certain tact, L’écrivain national s’interroge sur ce que chacun attend d’un écrivain : qu’il soit sincère ou qu’il invente, qu’il ne raconte pas ce qu’il a vu ou qu’il n’omette aucun détail, qu’il parle de la commune, d’une cause, de lui-même… Quand on rencontre un écrivain, qu’on le côtoie, qu’attend-on de lui ? Et lui, que fait-il de ce qu’il voit, de ce qu’il vit ? Serge Joncour, pour mieux brouiller les pistes choisit un narrateur à la première personne, qui s’appelle Serge et a publié un roman intitulé UV…

Même après une dizaine de livres publiés, l’écrivain national ou pas est loin d’être sûr de lui. Ses ouvrages peuvent éventuellement constituer un rempart entre lui et le monde, mais quand il s’agit de rencontrer les autres, il est tout nu ou pire, habillé d’interprétations parfois erronées sur son œuvre. Serge Joncour porte un regard fraternel sur son héros et ironique sur les habitants de Donzières, sans jamais être cynique ou méchant. Il semble avoir alimenté ce roman d’expériences personnelles (repas, discours et lectrices semblent tout à fait authentiques) qui dotent ce drame d’une touche d’humour bienvenue.



Vos libraires s'associent pour vous parler du livre AUTREMENT