Blessé par une balle à la colonne vertébrale, sur le front en mai 1918, Joë Bousquet est condamné à vivre alité dans sa chambre à Carcassonne, jusqu’à sa mort, en 1950. Et c’est ici, dans ce retrait, depuis ce lit et ce corps mutilé, que se constituera le journal de Bousquet. Un journal sans fin, constitué de petits cahiers où se trouvent rassemblés dans le plus grand désordre les événements du monde (même les plus anodins), les réflexions, les lettres, les rêves, les citations… Ces matériaux constitueront les éléments premiers de la création littéraire, où Bousquet viendra puiser sans cesse pour réaliser des dispositifs créatifs, des constructions ouvertes où chaque texte semble être à chaque fois l’invention du texte lui-même, où les personnages ne semblent jamais jouer leurs rôles de personnages, où l’intrigue (bien grand mot) se ramifie, s’écarte et plonge et resurgit de discontinuités en discontinuités. Si bien que cette œuvre romanesque si singulière, touchant parfois presque à l’inouï, paraît exiger du lecteur qu’il apprenne à lire en lisant, comme s’il n’était plus possible de parcourir cette œuvre selon les codes conventionnels, mais qu’il s’agissait d’en accepter et d’en recevoir le grand rayonnement, d’en explorer les obscures et stupéfiantes irradiations.
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