Les librairies Agenda Coups de coeur
13 mai 2021

Une rencontre au détour d’un cimetière, un moment d’égarement, une grossesse, un mariage réprouvé par le père de la mariée et un nouveau départ sur les routes des Etats-Unis. Ainsi commence la vie de couple d’Alka Lark, la blanche américaine et de Landon Carpenter, son époux Cherokee. Un mariage ‘’contre-nature’’ mais prolifique. Au fil de leur déplacement, Alka met au monde huit enfants. Deux décèdent très tôt, six grandissent en nomades jusqu’à l’installation de la famille en Ohio, à Breathed. Alka voulait retrouver ses racines, s’ancrer dans un territoire qu’elle connait. Ils investissent donc une vieille bicoque entourée de nature mais continuent à vivre en marge d’une société qui rejette, les sang-mêlés. A côté de ses sœurs blondes comme les blés, Betty, sixième enfant du couple, a hérité du teint mat et des cheveux noirs de son père qui l’appelle ‘’ma petite indienne’’. Une petite indienne moquée par ses camarades de classe, brimée par les instituteurs mais forte de sa complicité avec sa sœur Fraya et de la bienveillance d’un père adoré, vénéré, mémoire de ses ancêtres, conteur imaginatif et proche de la nature. C’est auprès de lui, de la rivière, des arbres, des plantes, que Betty vit dans l’insouciance d’une enfance sauvage malgré les tentatives de domestication des blancs bon teints de Breathed. Pourtant, le bonheur semble fuir les Carpenter. Très jeune, trop jeune, Betty devient la dépositaire des secrets les plus terribles de la famille. Alka, entre autres, ne lui épargne rien de ses souffrances, lui confiant ses pires cauchemars. Mais Betty est une battante, une guerrière, qui saura faire fi du rejet, du racisme, des chagrins, des pertes, pour se faire un chemin dans un monde hostile parfois, mais aussi rempli de magie, de rêve et d’espoir.

Enorme coup de cœur pour le roman de Tiffany McDaniel qui s’est inspirée de la vie de sa mère, Betty, pour nous raconter une histoire lumineuse malgré des thèmes durs, comme le racisme, les violences faites aux femmes, la pauvreté, le rejet, le suicide, …
Opposés à la noirceur des âmes mauvaises, Betty et son père Landon sont les soleils de ce roman. La guerrière cherokee et son merveilleux père illuminent les pages de leur bonté et de leur volonté à toujours chercher, et trouver, la beauté dans la laideur, le cœur sous la carapace. Landon est né pour être père et il veille sur ses enfants en leur prodiguant des conseils avisés, l’amour de la nature, le sens de la vie. Pourtant, malgré ses soins constants, parfois l’essentiel lui échappe. Des drames se nouent sous ses yeux fermés et que personne ne veut lui ouvrir, pour le ménager, le préserver, ne pas abattre ce chêne qui soutient la famille. Alors Betty prend sur elle cette charge secrète et monstrueuse. Betty n’est pas féminine comme Flossie, elle n’est pas douce comme Fraya, c’est une guerrière indienne, la mémoire de son peuple, de ses ancêtres femmes qui détenaient le pouvoir au sein de la tribu. Betty espère, rêve, lutte et surtout elle écrit. Elle jette sur le papier le trop plein d’émotions, de violences, de malheurs. Elle enterre les enfances saccagées, les viols, les coups, les injustices, les morts. Ses mots effacent les maux, soignent les blessures, dénoncent la perversité des hommes.
Roman de la transmission, ode à la nature qui réserve autant de bouffées d’optimisme, de poésie que de passages durs, cruels, Betty est une pépite, un moment de lecture privilégiée qui fait aimer la littérature pour ce qu’elle est : des mots qui font voyager, découvrir, des phrases qui émeuvent, qui révoltent, des personnages inoubliables, des textes qui se gravent dans la mémoire, qui font réfléchir et aimer.
S’il ne fallait lire qu’un roman cette année, ce serait celui-ci.



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