J’ai eu un peu de mal avec le Policier, atteint de priapisme, dont la femme subit les assauts nuits et jours.
J’ai aimé l’Adjoint, qui vit seul avec ses deux chiens, Mes Beaux, qui aime fendre du bois et compose de courts poèmes dont il ne se souvient pas.
J’ai aimé l’Imam qui tente d’apaiser les tensions et de rassurer sa communauté.
J’ai eu de la peine pour Lémia, la fille du Sabotier, que le Policier convoite. J’ai eu peur pour elle jusqu’à ce qu’elle rencontre l’Adjoint qu’elle surnomme le Bon Géant.
J’ai souri jaune à l’apparition dans le récit des jumeaux Kouechi, dont le nom, à une voyelle près, rappelle de mauvais souvenirs.
Un roman qui parle de notre société sur le déclin sous couvert de fiction.
Toutefois, j’ai fini le roman en diagonale à partir de la scène de chasse car le récit ne me passionnait plus. Mais j’ai aimé la fin du Policier.
L’image que je retiendrai :
Celle de la neige sur laquelle glisse les traineaux et des samovars pas toujours chauds.
J’ai aimé que les familles se lient par un mariage entre la fille Ayami et l’un des fils Hokbani. Pas tout à fait Roméo et Juliette dans le désert marocain.
J’ai aimé la grand-mère du clan Ayami, qui perd la tête, ce qui la met parfois dans des situations coquasses ou dangereuses.
J’ai aimé que ce soient les femmes qui dirigent les familles et qui fassent taire les hommes qui ne sont que des figurants.
J’ai aimé que le narrateur ouvre peu à peu les yeux sur son cousin tant admiré Haroun : forte tête, il est parti il y a 3 ans, et revient pour la mariage de sa soeur. Mais pas que. Moi qui n’aime pas les romans d’apprentissage, j’ai aimé celui-ci.
J’ai découvert les trabendos, ces jeunes qui font du trafic entre l’Algérie toute proche et le Maroc, pour gagner leur vie.
J’ai aimé la très belle Fayrouk dont le narrateur tombe amoureux. Mais qu’Haroun aime en secret.
J’ai aimé que ce roman parle de l’exil que ressentent ceux qui rentrent au pays pendant 1-2 mois : leur obligation de prendre la vie du village où elle en est, leur obligation de s’adapter.
Le temps de ma lecture, j’ai aimé vivre dans cette vallée sèche et aride au milieu de ces deux clans qui se détestent mais se côtoient.
Une citation :
« ON ne s’entretue parce qu’on n’oublie jamais qu’on est mortels, qu’on est semblables, on meurt et on donne naissance. Tu ne tues pas celui que tu as félicité pour la naissance des son enfant. Si tu oublies ça, si tu ne rends pas visite à ton ennemi, tu t’enterres dans la haine, tu deviens mesquin, et être mesquin c’est la pire des choses. Etre mesquin, c’est oublier la mort, et oublier la mort c’est oublier Dieu. (p.155-156)
L’image que je retiendrai :
C’est celle que retiendra le narrateur aussi : la vielle Renault 12 verte parcourant les routes étroites des montagnes, en exil pour l’éternité.
Dès les premières pages, j’ai été ferrée : qui était Marcelle Pichon ? Pourquoi a-t-elle décidé de se laisser mourir de faim dans son petit appartement ?
Cette très longue enquête, menée par Bmore & Investigation offre beaucoup, beaucoup de contextualisations, mais aussi de fausses pistes. Que je n’ai pas toutes lues en détail, il faut l’avouer.
J’ai aimé que l’agence d’enquête mette à jour les erreurs des journalistes lorsque ce fait-divers est paru en une à l’époque.
Mais j’ai aimé que le narrateur me replonge dans l’ambiance de la Guerre, de la Haute-Couture et ses accointances avec l’Occupant.
J’ai aimé que, à l’instar de Patrick Modiano, des hasards placent Marcelle sur la route de l’auteur à plusieurs reprises. J’ai aimé les synchronicités de l’enquête.
J’ai adoré les différentes hypothèses du prénom de mannequin choisi par Marcelle : Florence. Est-ce en référence au film Florence la folle ? au vase Lalique du même nom ? à un personnage d’une pièce de Sartre ? ou un personnage d’un roman ayant eu le Prix Goncourt dans ces années-là ? ou encore à cause de l’ouverture d’un cabaret du même nom le jour de la Rafle du Vel’ d’Hiv’ ?
J’ai aimé les hypothèses de vie de Marcelle calquées sur différents films plus ou moins récents.
J’ai aimé que dans le même temps, l’auteur cherche le « petit bougnoule » en lui, fasse une recherche de ses origines.
J’ai aimé que ce soient des méthodes peu orthodoxes (horoscope, voyance…) qui mettent à jour la personnalité de Marcelle. Plus tard corroborés par ses petits-enfants.
Un roman sur la complexité de la personnalité dont les presque 1 000 pages ne font qu’effleurer celle de Marcelle.
Mais l’auteur a su transformer l’impossible désir de savoir qui était Marcelle Pichon en possible désir d’écrire sur elle.
L’image que je retiendrai :
Celle du tableau des recherches de Bmore & Investigation, disponible ici : www.lecoeurnecedepas.com
À partir de ce moment, j’ai découvert les communautés völkisch : des communautés souvent de paysans qui vivent à l’heure du culte teuton.
La fille de Svenja, Sigrun, a 14 ans et est fière d’avoir pour héros Rudolf Hess, Irma Grese ou encore Frederike Krüger.
J’ai aimé la façon dont Kaspar prend soin de sa petite-fille par alliance : il ne brusque pas les parents, mais la prend chez lui pendant les vacances, lui fait découvrir la musique, et Sigrun se révèle douée pour le piano.
Kaspar étant libraire, Sigrun va découvrir peu à peu une autre littérature, par elle-même.
J’ai aimé apprendre que la RDA s’étendait des monts Métallifères aux plages de la Baltique.
Un roman sur une certaine Allemagne qui ne veut pas baisser la tête devant les vainqueurs et inculque à ses enfants le culte du combat. Ce qui va poser problème à Sigrun.
L’image que je retiendrai :
Celle de l’amie d’enfance de Birgit, Paula, qui lui envoie des cartes postale de RDA représentant des tableaux. Le premier, La belle chocolatière de Liotard, pose question à Kaspar.
Encore une fois avec cet auteur, j’ai découvert le pacte sino-portugais qui donne littéralement le pays à la Chine. A son gouvernement, mais aussi à ses triades.
J’ai aimé que quelques personnes se battent encore pour empêcher le prochain carnage.
J’ai aimé les pages historiques sur la relation anglo-portugaise lorsque Marcelo rencontre Jemima, jeune anglaise qui deviendra son amante.
J’ai été triste de lire que les précédents amours de Marcelo connaissent une fin tragique.
Mais j’ai été déçue que l’enquête de Marcelo n’avance que grâce à des hasards. Mais il est vrai que tout le monde se connait à Lisbonne.
Un second opus moins mordant que le premier, mais tout aussi éclairant.
Quelques citations :
– Tu sais bien ce que dirait la grande poétesse Natalia Correia dans ce genre de circonstances, n’est-ce pas ? Tant qu’on a des seins et des culs, le Portugal n’est pas foutu… (p.20)
– C’est l’ironie de tout cela, ils nous achètent avec l’argent qui nous sert à payer les montagnes de merdes qu’ils produisent. – On appelle ça la mondialisation. (p.93)
… l’accord luso-chinois transformerait le Portugal en une mine à ciel ouvert propriété de la Chine et placerait le pays dans une situation de dépendance économique et financière sanas précédent. (p.131)
– Tu sais pourquoi il n’existe pas de délégation de Greenpeace au Portugal ? l’interrogea Adriana. Parce que Greenpeace sait que dans notre pays même les écologistes se laissent corrompre. (p.133)
… qu’Amnesty International avait été fondée par un avocat anglais après qu’il avait lu un article sur deux étudiants arrêtés dans un restaurant de Lisbonne pour avoir porté un toast à la liberté ; mais ça, c’était il y a plus d’un demi-siècle, sous la dictature. (p.185)
L’image que je retiendrai :
Celle du canard en porcelaine que Marcelo reçoit à son retour, cadeau dont il n’aura l’explication qu’à la fin du roman.
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